Le transmedia explique par Henry Jenkins lui-même

Vous n’avez pas lu le livre « Convergence Culture: Where Old and New Media Collide » ?  Vous n’avez pu vous rendre à la conférence d’Henry Jenkins au centre Pompidou le vendredi 25 mai ? Voici un petit post pour vous mettre à jour !

L’université Sorbonne Nouvelle, en partenariat avec le Transmedia Lab d’Orange et le Centre Pompidou, a accueilli Henry Jenkins afin qu’il nous parle d’un terme encore trop peu connu du milieu académique : le transmedia. Durant une heure, le conférencier américain nous a donné son avis sur le transmédia comme nouveau domaine de recherche mais aussi sa présence dans la société actuelle et l’historique de son développement.

Mais d’abord, nous reprendrons la définition universitaire du transmédia par le maitre de cérémonie lui-même :

La définition du transmédia

Les nouveaux fans et leurs modes de consommation des medias

Un programme est conçu pour plaire à un public mais, d’après Henry Jenkins, celui-ci est en pleine mutation ! Hollywood doit maintenant s’adapter à deux formes de spectateur. Le spectateur traditionnel qui rentre chez lui et regarde l’épisode proposé à la télévision et celui qui désire regarder son programme quand il veut, où il veut et comme il veut. C’est pour cela que ce type de personne téléchargera sa série préférée. Hollywood doit prendre en compte ce changement dans les usages. Cependant, il est encore difficile de le faire, puisque nous vivons dans un monde où les annonceurs publicitaires payent pour voir leur publicité apparaître pendant un programme. Ce qui rend la diffusion d’épisode interactif difficile.

Jenkins remarque depuis la parution de son livre une certaine évolution dans la diffusion des programmes. Leurs scénarios sont dorénavant un peu plus pensés pour Internet. Pour que le spectateur regarde un épisode comme il le souhaite, les réalisateurs créent des interfaces sur la toile pour stimuler l’envie du spectateur et le faire patienter jusqu’au prochain épisode…

Les fans, eux, veulent s’attaquer à quelque chose de plus complexe. Comme dans son livre « Convergence Culture: Where Old and New Media Collide », Henry Jenkins l’a appelé l’intelligence collective. Pour étayer ses propos, il a pris l’exemple de LOST. Les fans ont créé le site « Lost media » où ils rassemblent tous les secrets qu’ils ont découverts pour élucider les mystères de l’île. A plusieurs, il est plus facile d’avancer ! Pour entraîner une personne dans un programme, Jenkins, a cité le terme d’immersion. Le programme des Oscars l’a bien compris. Ils ont créé un site où le fan peut suivre sa star préférée dans les coulisses du festival en temps réel.

LOST

Transmedia : aux origines

Henry Jenkins, n’hésite pas à remonter à plus d’un siècle pour voir les prémisses du transmédia. Par exemple, le « Magicien d’Oz » de Frank Baum. Au départ il a créé un monde dans son roman plus large que celui que l’on peut voir dans le film sorti par la suite. Puis cet univers a été repris par de nombreux auteurs dans des comics.

Il est même allé jusqu’à déclarer que la Chapelle Sixtine et Versailles étaient des lieux où le transmédia était présent ! Les vitraux, les peintures, les chants religieux contaient une histoire et chacun de ces éléments apportaient une touche personnelle à cette narration.

Chapelle Sixtine

Un projet sur plusieurs plateformes a un coût. Le Branding permet de financer les projets. Par exemple, la série « True Blood » a mis en vente une boisson couleur sang ! Pour la sortie du film « District 9 », des bancs en plein Los Angeles, portaient des inscriptions indiquant uniquement aux humains de s’assoir dessus. Ces publicités nous permettent de nous imaginer l’univers avant la sortie des œuvres pour que lors de la sortie du projet, nous ayons déjà quelques connaissances sur l’univers.

Banc District 9

Enfin, même après l’arrêt de l’œuvre principale, la narration continue dans certain cas. L’histoire de « Buffy contre les Vampires » a continué grâce à des comics qui reprenaient l’univers et qui continuaient la narration…

Le transmédia a apporté une nouvelle façon d’écrire un scénario. Il permet de voir plus grand et sur du plus long terme. Une série finie peut continuer par le biais de sites Internet de fans ou encore par de nouvelles œuvres publiées par les auteurs.

De nouveaux canaux transmedia

Les fans prennent le contrôle du transmédia en établissant des performances. Pour la série « Glee », les fans se sont amusés à effectuer des « memes » ! Pour faire simple, ils ont réalisé de nombreuses vidéos non-officielles reprenant tout le répertoire des musiques du programme en les adaptant à leur manière. Casey Pugh a recréé un film « Star Wars », dénommé « Star Wars Uncut« . Il a découpé le film « Star Wars: A New Hope » en 2036 scènes de 15 secondes ! et a demandé aux fans de refaire la partie qu’ils souhaitaient. L’engouement de ces derniers, entraîne de nouvelles histoires qui sortent du commun et montrent à quel point le spectateur joue un nouveau rôle dans la création d’œuvre. spectateurs : prolongent l’univers créé, s’en emparent.

Saviez-vous qu’en vous déguisant vous faisiez du transmédia ? De son poitn de vue de chercheur, Henry Jenkins cite le « Cosplay » comme un média a part entière pour raconter une partie de l’histoire. Il a remarqué lors d’un rassemblement de fans d’Harry Potter, que ceux-ci étaient tous déguisés en magicien et connaissaient mieux l’histoire que les acteurs. Les comédiens prenaient en note les conseils des fans pour jouer le mieux possible leurs futures scènes. Lors du « carnaval de Rio », les déguisements, le maquillage, les masques nous font part d’une histoire. Un simple déguisement transforme une personne mais surtout une histoire !

Cosplay Harry Potter

Internet en facilitant le partage de connaissances et d’oeuvres culturelles participe à la création d’une culture commune. Certains se réapproprient donc un univers de film connu globalement pour faire passer un message. Par exemple, un groupe de protestants palestiniens peints en bleu a créé des vidéos : « Peuple du ciel, ne nous envahissez pas ! ». Une manière originale de faire parler du conflit palestinien en utilisant la notoriété du film « Avatar ». Henry Jenkins l’a appelé le militantisme transmédia.

Militants Palestiniens

Si Henry Jenkins s’est principalement consacré au rappel des cas présentés dans son livre, en replaçant notamment les pratiques transmédias dans l’histoire des médias, il a exposé de nouveaux éléments. Une conférence synonyme de rencontre avec le maître en la matière.

A noter que lors de cette manifestation, le Centre National d’Art et de la Culture Georges Pompidou a mis en place une animation, un jeu transmédia, « Eduque le Troll ». Vous pouvez encore jouer jusqu’au 30 juin 2012 !

Enfin n’oubliez pas de vous rendre régulièrement sur le blog d’Henry Jenkins « Confession of an Aca-fan ».

Henry Jenkins